Une version plus complète de cet article est parue en versions web et imprimée dans la Lettre Résif n°17 de janvier 2020.

Tout le monde a en tête l’image du tremblement de terre de 2011 au Japon, entraînant l’accident nucléaire de Fukushima. Cet évènement illustre parfaitement le lien entre gestion du risque naturel et enjeux socio-économiques dans les pays industrialisés. La France est le 2ème pays au monde ayant le plus de réacteurs nucléaires. Cependant le contexte géodynamique est très différent de celui du Japon car ce dernier se trouve à proximité d’une frontière de plaque très active. Au niveau mondial, environ 90% de l’énergie sismique est relâchée au niveau des frontières de plaques (Scholz, 2002). La France, quant à elle, est considérée comme un domaine intraplaque appartenant à la grande plaque Eurasienne jugée stable. Les séismes forts (Magnitude > 6) y sont très rares mais pas inexistants (Jomard et al., 2017). Il y a toutefois une sismicité faible à modérée présente à travers le territoire.

L’étude de la géodynamique actuelle de la France est donc un enjeu scientifique et socio-économique important. Pour étudier et quantifier la déformation, l’analyse des séries temporelles de positions obtenues à partir de données GNSS a fait ses preuves dans les zones de déformation rapide, mais reste en limite de résolution dans les zones de déformation lente. Cette limite de résolution, équivalente au niveau de bruit dans les mesures, est liée à la dispersion des positions quotidiennes estimées. Le bruit est dû, entre autres, aux orbites des satellites, à la météo et aux caractéristiques propres à la station. Ainsi, le principal problème qui se pose est de pouvoir discriminer le signal de déformation par rapport au bruit intrinsèque de la méthode.

La déformation actuelle dans les Alpes et les Pyrénées a pu être partiellement identifiée dans de précédentes études (Rigo et al., 2015, Nocquet et al., 2016, Walpersdorf et al. 2018), mais pour le reste du territoire, la densité et les durées d’opération des stations GNSS restaient trop faible. La quantification précise des taux de déformation en France est l’objectif principal du service national d’observation Résif-RENAG (REseau NAtional GNSS). Le travail de thèse de Christine Masson à Montpellier s’est intégré dans cette thématique et a donc consisté à mettre en place des méthodologies afin de pouvoir quantifier de manière robuste et statistique la déformation pour l’ensemble du territoire métropolitain. Ce travail a été possible grâce à la maturité du réseau de stations GNSS permanentes, d’abord développé par la communauté scientifique depuis 20 ans (Résif-RENAG) et par l’IGN (réseau RGP), puis enrichi par les réseaux commerciaux (par exemple : Orpheon, Teria ou SatInfo). La quantification de la résolution de chacune des stations a été réalisée grâce à l’utilisation de données synthétiques. L’avantage des données synthétiques, à la différence des données réelles, est que l’on connait la vitesse réelle des sites et qu’ainsi on peut estimer la déviation entre l’estimation et la vitesse vraie. Cela revient à quantifier la limite de précision de notre analyse en fonction des caractéristiques de chaque série temporelle (pour plus de détails, Masson et al., 2019a). Les résultats ont montré que, pour des stations de plus de 8 ans, la précision sur la vitesse atteint 0.2 mm/a pour les composantes horizontales. Mais, pour aller plus loin, Christine Masson a cherché à vérifier si une cohérence spatiale existe dans le champ de vitesses obtenu. Pour assurer des résultats robustes, elle a utilisé deux méthodologies indépendantes dont les performances ont été quantifiées statistiquement et qui fournissent des résultats proches. Ce travail de thèse a permis de fournir la première carte de taux de déformation pour l’ensemble du territoire métropolitain français (Fig. 2) et de quantifier la confiance sur les taux de déformation obtenus (plus de détails, Masson et al., 2019b).

A l’heure actuelle, ce travail ne permet pas de répondre de manière directe aux questions de sécurité industrielles, mais il a permis de débloquer certains verrous scientifiques liés à la résolution des méthodes géodésiques. Il est maintenant important d’aller plus loin et d’utiliser ces résultats pour contraindre les calculs d’aléa sismique. Par exemple, en 2019 un travail a été mené, en partenariat avec l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) afin d’intégrer les données GNSS dans les modèles de sismicité.

Christine Masson, Philippe Vernant et Stéphane Mazzotti (Géosciences Montpellier)

Contact

gnss@oreme.org

Taux de déformation horizontale de la France. (Masson et al. 2019b)